Un autre regard sur le Japon

Expérience

Une journée des plus ordinaires

Image : PC, Sanctuaire d Oyamazumi-jinja à côté de mon travail

 

 

Bienvenue à Toba !

 

 

          Après deux semaines de travail, voici un article bien mérité pour raconter aux curieux à quoi ressemble une journée ordinaire
sur mon nouveau lieu de travail.

 

Un début de journée plutôt historique et mystique

Après un bon quart d’heure de vélo me voilà arrivé au centre-ville de Toba.

 

Image : PC, Depuis le parc de Shiroyama et les ruines du château de Toba

 

La mairie est située à côté du parc de Shiroyama connu pour ses cerisiers au début du printemps et qui abrite les ruines du château de Kuki Yoshitaka ((XVIe siècle). Yoshitaka avant d’être un habile navigateur était un amiral dirigeant une force de pirate japonais qui dominait la baie d’Ise où se trouve Toba. Fin de la parenthèse historique.

 

Autour de la mairie on trouve pas moins de six temples ou sanctuaires dans un périmètre de 200m environ. Mais le plus proche est le sanctuaire de Oyamazumi (cf photo). Dans ce sanctuaire on y voit des fūrin (ce sont des carillons en verre) ils se balancent au gré du vent. On y attache son souhait écrit sur un papier de couleur et le tour est joué.

 

Petite précision, les temples sont consacrés à la religion bouddhiste tandis que les sanctuaires sont utilisés pour la religion shinto. Mais attention au Japon le mot religion n’a pas la même signification qu’en France. Le Japon vu de l’extérieur compterait plus d’athées que la France à en croire cet article du Monde. C’est pourtant très important au Japon d’honorer les ancêtres et la tradition, de participer aux fêtes rituelles.

Par contre, pas besoin de se faire pardonner, de faire une prière quotidienne ou de se rendre à une messe particulière. Les temples et les sanctuaires font partie du paysage quotidien mais ils n’ont pas de caractère obligatoire ou de rédemption. Ce que nous voyons comme religion est une pratique plus « opportuniste » (on prie pour un besoin spécifique pour ses proches et soi-même) et aussi plus inclusive. Fin de la parenthèse mystique.

 

Au travail !

8h25 : il faut se dépêcher pour arriver à l’heure au bureau. En arrivant je dois déposer mon hanko : c’est ma signature avec un sceau japonais pour valider ma présence. Je dois aussi préciser que j’ai pris ma température et que tout va bien…

Image de mon hanko au travail. Mon nom est écrit en katakana un des deux alphabets phonétiques japonais permettant souvent d’écrire les noms étrangers.

 

8h30 : c’est l’heure de la réunion matinale. Tout le monde à mis son badge autour du cou. Nous nous levons et formons un cercle. Un membre de l’équipe annonce le jour et commence le tour de parole,  puis chacun à notre tour, chefs comme employés, nous prenons la parole pour dire si nous avons des choses importantes prévues ce jour d’intérêt pour l’équipe. Nous sommes dix, la réunion dure rarement plus de cinq minutes. Si on n’a pas de choses de prévues et bien on dit juste qu’on n’a pas de choses prévues. Oui au Japon, si on n’a rien à dire…et bien on ne dit rien. Parler pour parler est mal vu. C’est faire perdre du temps pour ses collègues. Ça change de la France !

 

Côté organisation, toute l’équipe travaille dans le même espace cheffes et chefs compris. L’étage est un vaste openspace avec un couloir central. Sur les piliers du couloir vous trouvez le plan des bureaux avec la disposition des tables et le nom de leur propriétaire. Pratique pour se souvenir du nom des personnes.

 

Côté fourniture, on est sur du fait maison. Quand j’ai demandé à une de mes collègues où je pouvais trouver un bloc note, en l’espace d’une minute elle m’en a fait un à partir de papier brouillon. Une grande agrafe et paf, c’était fait.

Nous nous imprimons nous mêmes nos cartes de visites, les indispensables meishi. Vous choisissez le modèle de carte, vous notez combien de feuillets vous prenez, de quel modèle, combien il de reste de feuillets. C’est toute une science. On ne rigole pas avec les meishi.

 

Quand arrive l’heure de la pause déjeuner

Le matin, une de mes collègues nous demande si l’on veut manger un bento d’un restaurant du coin. On lui donne la monnaie et elle se charge de toutes les commandes.

 

Un peu avant 12h la livraison du magasin arrive avec les bentos souhaités (je précise que cela fonctionne aussi pour des ramens). La même personne viendra reprendre la boîte avec les déchets à 13h. C’est notre deliveroo sauce locale.

 

12h : une sonnerie retentie c’est l’heure de la pause déjeuner. Tous les employés s’arrêtent de travailler, sauf les chefs. On sort son bento, on s ‘étire, on regarde son téléphone, on se lève pour vaquer à ses occupations mais on ne reste pas à travailler !

 

A deux fois je suis restée devant mon ordinateur pour terminer une recherche mais c’est sans compter mes collègues qui viennent me voir pour me dire « c’est la pause maintenant repose toi ». Whaou ! J’ai aussi repéré que chaque jour les employés permanents nettoient à tour de rôle le comptoir de l’entrée du service(les chefs aussi). Il y a bien des personnes pour le ménage mais tous les jours à la pause déjeuner quelqu’un vient passer un coup sur le comptoir du service, sans exception.

 

La propreté plus qu’une notion d’utilité est ici élevée au niveau du rituel.

 

Et l’ambiance ?

Pendant la journée dans ma division, on peut tout à fait commencer une discussion sur un sujet autre que celui du travail. On ne s’attarde pas non plus à bavarder mais on fait en sorte d’avoir une bonne ambiance, le tout rythmé par les collègues de l’équipe ou d’autres sections qui amènent des sucreries à partager.

Image : PC, omiyage. A mon arrivée, j’ai offert des petits cadeaux de France à mes collègues. La culture du cadeau que l’on offre à ses collègues est très présente au Japon. C’était un geste attendu à mon arrivée.

 

Côté tenue, je pense que j’ai de la chance concernant mon service. Le style reste formel, plutôt tendance bleue marine, chemise et pantalon de travail, on ne vient pas en jeans, il n’y a pas de couleur très voyante. Mais à y regarder de plus près, c’est un subtile style entre le formel et la  détente. Chemise et pantalon sérieux ok mais au pied c’est sneakers ! On crapahute beaucoup dans notre division.

 

La fin de journée

17h, une sonnerie retentie pour annoncer aux employés temporaires de la mairie que c’est la fin de la journée. Une autre sonnerie retentira pour moi à 17h15. Les autres, les vétérans, restent.

 

A ce moment, je suis bien la première ou la deuxième à partir du fait de mon contrat de travail. Comme je pars avant les autres je salue mes collègues en leur annonçant un osakini shitsureishimasu qui signifie « Excusez moi de partir avant vous » et direction la maison.

 

Ah ! Et surtout ne pas oublier d’enlever son badge avec sa carte de visite. Un geste pour moi anodin mais pas pour mes collègues qui sans exception me le font remarquer quand je porte toujours mon badge appelé nafuda, symbole que je suis toujours en fonction !

 

Sources :

1. Article du Monde,Plus de la moitié des Français ne se réclament d’aucune religion”,07/05/2015

2. Aventure Japon de Robert Guillain, p334

3. Interview de Mary Picone EHESS, dans la revue tempura numéro 4, Croyances japonaises, Hiver 2020

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