Toba est une ville côtière mais elle est aussi située dans le parc national d’Ise-shima qui est une très grande zone forestière. Quand on vient comme moi d’une région montagneuse en France, on ne peut s’empêcher de comparer avec l’Europe. Cette forêt sur plusieurs aspects n’a pas les mêmes caractéristiques.
A travers quelques exemples que j’observe dans la région, je vous laisse vous faire votre propre idée.
Je ne vais pas me laisser aller à une vision romancée de la forêt au Japon et ne parlerai pas ici du lien qu’entretiennent les hommes avec la nature, ce qui est toujours le point de départ de longs débats.
Abordons la forêt en tant que telle.
Photo : forêt d’Asama
Une forêt incontournable
Avec un territoire couvert à 67% de forêt, difficile de l’éviter au Japon. Les touristes font souvent la première fois sa découverte en s’aventurant au Mont Takao, l’une des premières montagnes accessibles en train depuis Tokyo.
Plus vous vous rendez à la campagne et plus vous vous rapprochez de cette forêt, à moins que cela ne soit elle qui se rapproche de vous !
Il existe au Japon tout un ensemble de parcs nationaux, 34 pour être précise, qui représentent 2,2 millions d’hectares soit 5,8 % de la surface du pays. Il existe également des « parcs quasi-nationaux » et des « parcs naturels préfectoraux », respectivement au nombre de 56 et de 314 (données de 2014). Au total avec les parcs nationaux cela représente un total de 14,5% du territoire japonais 1
Toba a la particularité d’être située au sein du parc national d’Ise-shima, créé en 1946. La plupart des touristes arrivent dans le parc national en train sur la ligne de la compagnie Kintetsu. Une fois arrivé à la ville d’Ise, vous ressentez de suite le changement du côté de la verdure. Après cette ville, le train circule dans la forêt du mont Asama, le plus haut point de la péninsule d’Ise Shima qui culmine à 555 mètres et dont je vous ai parlé dans cet article. Il existe un mot, satoyama (里山), qui correspond bien au contexte de la péninsule d’Ise-Shima et comme beaucoup d’autres endroits au Japon. Il définit la zone où la vie humaine coexiste avec la forêt 2. Ce type de forêt secondaire est entretenue au contact des activités humaines.
Photo : Exemple de satoyama à Toba, quartier de Ikenoura, ou la route et des champs sont à la lisière de la forêt du mont Asama
Une autre particularité, toujours à Toba est de retrouver cette forêt également sur les îles. Kamishima, l’île la plus éloignée a peut-être de loin la forêt la plus préservée. Elle donne une vraie impression de randonnée en forêt
Une géographie et un climat qui est synonyme d’une plus grande diversité
Dans les parc nationaux vous trouverez un ensemble de paysage et d’écosystèmes très différents des forêts européennes.
Une remarque de R.Guillain dans son livre Aventure Japon m’a marquée 3 . Il affirmait qu’au Japon on dénombre 168 espèces différentes d’arbres (l’Europe dans son intégralité n’en a que 85). J’essayais de retrouver la source de cette affirmation pour finalement la valider au début du XXème siècle dans les écrits de Français qui s’étaient aventurés dans la forêt japonaise comme Michel Revon 4.
Les scientifiques expliquent entre autres cette diversité par le fait que le Japon n’a pas eu la grande glaciation quaternaire et que la végétation du Pléistocène aurait subsisté.
La géographie du Japon est une autre raison avec son étendue en latitude, 3 500 km du nord au sud, ses reliefs, et son climat mais c’est aussi le fort taux d’humidité très caractéristique au Japon en été ainsi que l’abondance de réserves d’eau. D’ailleurs un des signes du niveau d’humidité est la mousse qui s’infiltre partout en forêt. Cette robe de mousse habille les racines des arbres, les pierres. Il existe une grande variété de mousses différentes qui savent, elles, apprécier l’humidité au Japon.
Vous avez dit boréale, tempérée, tropicale, naturelle ou plantée ?
Sans vouloir être exhaustive, il y aurait trois grands types de forêt au Japon 5.
Au nord (Hokkaido) une forêt de type boréale avec beaucoup de conifères.
Puis les forêts tempérées avec feuillus et conifères, avec une différence cependant entre le nord d’Honshu, l’île principale, et la forêt qui s’observe dans l’ouest du Japon et que l’on retrouve à Ise-shima de type pénétropical : on y retrouve conifères, chênes, bambous, magnolias. Oui vous avez bien entendu des conifères et des bambous !
D’ailleurs, petite parenthèse sur les forêts de bambous. La première fois que l’on s’y aventure, pourvu qu’il n’y ait pas trop de vent, on a l’impression d’entendre la forêt respirer…et on espère qu’elle ne va pas éternuer.
Enfin dans le sud du Japon, ce sera une végétation subtropicale. Pour ceux qui ont apprécié les paysages de Princesse Mononoke, du réalisateur Hayao Miyazaki, vous pouvez vous rendre dans la forêt primaire de Yakushima. Apparemment l’écosystème est à couper le souffle. (Un futur voyage à prévoir ?)
Concernant les différents types de forêt, il y a cependant un point important. Au Japon 60% de la forêt est dite “naturelle”. Elle se régénère par elle-même”, les 40% restants sont des plantations. Les plantations forestières consistent principalement en des conifères comme les cèdres du Japon plantés après la seconde guerre mondiale (et qui sont d’ailleurs en partie responsables de l’allergie au pollen qui frappe apparemment 10% de la population). Cette forte présence de conifères est intéressante pour la sylviculture car sa croissance est rapide. Les forêts naturelles primaires japonaises, elles, sont surtout composées de feuillus à feuillage persistant 2 .
Photo : forêt de conifères, espace Shirataki daimyojin, quartier de Funatsu de Toba
Diversité aussi du monde sauvage
Photo : tanuki aperçu proche des locaux du laboratoire de recherche sur les invertébrés de l’Université de Nagoya situé sur l’île de Sugashima de Toba
Nous connaissons les renards, les cerfs, les sangliers. Mais quand vous voyez pour la première fois des singes, des écureuils volants, des saro du Japon (sorte d’antilope), ou encore des tanuki (ressemblant aux ratons laveurs), cette forêt est finalement intrigante. A Toba les singes s’approchent des jardins et des habitations ce qui n’est d’ailleurs pas un très bon signe… cela signifie aussi que la forêt ne leur suffit plus.
Le tanuki est aussi un animal bien singulier ; j’ai la chance d’en avoir croisé sur l’île de Sugashima (car oui les sangliers, singes et tanuki sont aussi sur les îles). Plusieurs locaux m’ont expliqué que les sangliers nagent très bien pour se rendre sur les îles ! J’attends de voir cela de mes propres yeux.
Enfin il y a aussi les ours. Si vous faites des randonnées au Japon, vous pourriez croiser des randonneurs qui se promènent avec un ou plusieurs grelots attachés à leur sac ou à leur bâton. L’idée est en effet de signaler sa présence aux animaux et notamment aux ours.
S’il y a une période plus propice pour faire des randonnées au Japon ce serait de novembre à février car cela coïncide avec la période d’hibernation de certains animaux dont les ours et les serpents !
Rien ne vaut un bon bain de nature.
Photo : parc des 48 cascades d’Akame, préfecture de Mie
Sources :
(1) Biodiversité au Japon : état de la recherche et des politiques publiques, rapport de l’Ambassade de France au Japon, Services STT et SER, 2018 (↑)
(2) Source Site internet Japan for Sustainability, definition de Satoyama (JFS)(↑)
(3) Aventure Japon, Robert Guillain, 2003, p.361(↑)
(4) La végétation au Japon, Michel Revon, 1905 (extrait d’annales de géographie)(↑)
Note personnelle : il n’est pas sûr que les chiffres soient aujourd’hui les mêmes surtout au regard de la crise environnementale mais même en tenant compte d’une diminution, le constat est qu’il y aurait près de deux fois plus d’espèces d’arbres au Japon.
(5) Encyclopédie Larousse, catégorie divers “Japon : géographie physique(↑)