Vue du sanctuaire Kumano Hongū-taisha (熊野本宮大社), ville de Tanabe, depuis la route Nakahechi du chemin de pèlerinage de Kumano Kōdo
Quand on entend parler du Japon, on trouve toujours des articles qui vont mentionner l’incontournable du paysage japonais:: j’ai nommé le « distributeur automatique », et les nourritures ou objets les plus farfelus qu’ils peuvent vendre. Mais on parle rarement d’autres « distributeurs » qui n’ont pas besoin d’électricité pour fonctionner. Il s’agit des mujinhanbaijo (無人販売所) littéralement des points de vente sans surveillance.
A Toba et dans ses environs, ils sont légions. Enfin, pas autant que les distributeurs automatiques, n’exagérons pas non plus, mais ils donnent déjà un avant goût de la vie à la campagne !
C’est le sujet de cet article.
Photo : distributeurs automatiques classiques
La culture des distributeurs automatiques
Les distributeurs automatiques au Japon sont omniprésents. On en compte plus de 4 millions. Les Japonais y sont tellement habitués que la réduction de consommation de bouteille en plastique est presque hors sujet au Japon tant ces machines font partie du confort du quotidien. Plutôt que de remettre en cause ce système fermement implanté, on cherchera à insister sur le recyclage de ces bouteilles ou à innover, comme récemment avec le lancement par Asahi Group Holdings de distributeurs automatiques qui absorbent le CO2 .1
Je m’égare mais tout cela pour expliquer que le système de distributeurs automatiques fait partie du paysage japonais.
Photo : vente de légumes bio au centre de recyclage de Toba (リサイクルパーク)
A la campagne différents types de points de vente sans surveillance.
La plupart du temps il s’agit d’une étagère abritée où l’on peut disposer des produits, assortis d’ une boite pour glisser le montant demandé. Parfois ce sera juste une simple table en bois avec des cagettes empilées au-dessus.
Vente d’ail noir (黒にんにく)à côté de la mairie de Toba sous la forme de casier
Au même point de vente des légumes sont parfois entreposés
La plupart des mujinhanbaijo sans trop de surprises pour la préfecture agricole de Mie servent à la vente de fruits et légumes. Par exemple, il existe un de ces lieux juste à côté de la mairie mais c’est un peu au petit bonheur la chance : sans trop savoir quand, une personne viendra un jour par semaine déposer des légumes. Leur prix est de 100 ou 200 yen, environ un euro. On voit rarement des produits à plus de 1000 yen l’unité.
D’autres se trouvent parfois dans des lieux de passage de touristes pour apprécier des produits locaux comme cela est le cas à Ōsatsu où les plongeuses ama ont un mujinhanbaijo pour leurs algues.
Photo : point de vente d’agues par les plongeuses ama du quartier d’Ōsatsu de Toba
Vous en trouverez aussi dans les sanctuaires et les temples pour obtenir par exemple des amulettes appelées omamori (お守り) ou le sceau du lieu appelé goshuin (御朱印) . Soit dit en passant dans l’un des trois sanctuaires hachiman de l’île de Tōshijima un petit malin a installé une caméra… la confiance règne !
Enfin dans mes lieux préférés, on retrouve certains mujinhanbaijo aux abords des routes et sur les chemins de randonnées comme par exemple sur les chemins du pèlerinage de Kumano Kodō (熊野古道).
Imaginez, vous marchez, vous avez soif et tout d’un coup vous voyez une fontaine fraîche avec des boissons qui flottent dedans. Le concept est tout simplement génial.
A l’entrée d’un chemin de randonnée un petit distributeur avec des barres de céréales ou encore des mélanges de fruits secs
Vente de prunes salées, de curcuma (ウコン), etc.
Qui a dit que les Japonais n’avaient pas d’humour !
Un grain de débrouille et un grain de confiance à la sauce locale
Dans les régions comme Toba il y a un manque de main d’œuvre dans les hôtels, les restaurants qui n’existe pas dans les grandes villes. En conséquence, on a parfois le sentiment que l’on galère, (ou plutôt je dirais que l’on rame vu que nous sommes proches de la mer)… pour trouver parfois des magasins ou des restaurants ouverts . En japonais on peut dire ha-doru ga takai (ハードルが高い).
Avec les mujinhanbaijo tout le monde finit gagnant. Les prix des marchandises sont souvent imbattables justement parce qu’ils suppriment les intermédiaires et les vendeurs en bout de chaîne.
Ils concernent aussi des choses produites localement ou réalisées par des artisans locaux. Par exemple dans la préfecture de Mie où se trouve un grand nombre d’agrumes, les abords des routes sont bordés de ces points de vente remplis de sacs de mandarines appelée mikan (蜜柑) .
Un bon exemple d’économie circulaire et humaine
Comme dans beaucoup d’autres régions agricoles du monde, il n’est pas rare que l’on offre des fruits ou des légumes fraîchement cultivés d’un jardin. Une collègue m’a même apporté des fleurs en pot.
Au Japon, quand on donne ce que l’on a en trop ou ce que l’on a reçu en trop, on parle de la culture de osusowake (御裾分け).
Le rôle des mujinhanbaijo est de mettre à disposition des biens pour quelques yen. On peut difficilement parler de véritable profit pour les producteurs, et côté consommateurs on veut aider les personnes de la région et en rapporter aussi un souvenir avec nous.
Voilà comment ces lieux sans contact direct finissent à leur façon par jouer un rôle de lien social.
Source :
(1) Avec cette nouvelle génération de distributeurs l’absorption de CO2 serait ensuite utilisée pour réaliser des fertilisants ou pour le développement de banc d’algues dans l’océan (note Source : Japan Times 11 mai 2023, ‘Forest’ of carbon dioxide-sucking vending machines planned in Japan
On parle notamment du carbone bleu pour mentionner le rôle essentiel des algues dans l’absorption du CO2 (pour en savoir plus sur les algues voir cet article). (↑)
Pauliwen à Mie
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