Un autre regard sur le Japon

Expérience

Prêt pour un changement de décor ?

Image : PC, vue depuis la chambre d’hôtel, Shinjuku, Tokyo, oct 2021

    

 

     En arrivant au Japon en septembre 2021 il faut encore faire quatorze jours de quarantaine dans une chambre d’hôtel à l’arrivée. Cela serait sans doute plus difficile, si je n’avais pas tous les jours une aussi belle vue sur le quartier animé de Shinjuku. C’est aussi le moment parfait pour vous partager mes impressions, notamment les premières grandes différences culturelles visibles, et ce, même quand on est enfermé dans une chambre d’hôtel.

 

 

L’approche japonaise concernant l’hygiène quotidienne

Vu de l’extérieur, certaines habitudes peuvent nous apparaître bizarres. Souvenez-vous des réactions au début des français en voyant des asiatiques porter des masques. Cela semblait pour certains ridicules, trop loin de notre culture. Après la COVID, sûrement l’opinion n’est plus la même. Au Japon on met un masque quand on se sent fébrile, pour des problèmes d’allergie, ou pour se prémunir en automne ou en hiver contre la grippe : on se protège et on protège les autres. Dis comme ça, cela paraît normal maintenant.

 

Pour d’autres, qui verront la propreté de mise partout au Japon, cette demande d’hygiène est poussée à l’excès. Je pense notamment à la nourriture souvent emballée dans un sachet plastique, lui-même amené ou emporté dans un sac plastique . La quantité astronomique de plastique utilisée, est sans doute en lien avec le tri des déchets et ses règles importantes. Au Japon on a la responsabilité de ses déchets, on ne jette jamais de chose au sol, on les garde pour les jeter chez soi.

 

J’ai l’exemple concret du tri dans ma chambre d’hôtel. Lorsque je finis une bouteille d’eau, il y a deux tris à prendre en compte, le bouchon et le papier plastique autour de la bouteille (et oui il faut retirer le papier plastique de la bouteille) vont dans la poubelle plastique. La bouteille va dans une autre poubelle pour les bouteilles . Même chose pour une brique de jus de fruits, la paille va dans le plastique, la brique va dans le combustible.

 

Mais voilà, malgré les efforts demandés aux citoyens en matière de tri, les règles strictes s’appliquant pour le passage des ordures et l’image d’un système bien rodé, force est de constater que seulement environ 20,8 % du plastique en 2016 sera finalement recyclé1.. Les règles d’hygiène ne riment donc pas forcément avec écologie (en France à titre de comparaison nous étions à 26% concernant le recyclage de déchets plastique l’un des plus faibles d’Europe loin derrière le Portugal avec 42 % le Royaume-Uni 44 % 2). Derrière les bonnes volontés se cachent des habitudes de surconsommation abondamment véhiculées par les lobbys industriels.

 

 

Image : PC, une mobilisation de brique de thé en opposition contre leur traitement non durable après utilisation, oct 2021

 

Le retour des dessins mignons et du paternalisme bienveillant

 

Image : PC, notice fournie aux étrangers pour réaliser leur test salivaire.

 

Même pour des sujets, qui seraient pour nous trop sérieux (test PCR, séismes) on retrouve des dessins mignonnets pour nous expliquer pas à pas ce qu’il nous faut faire.

 

Ces personnages attachants semblent en décalage mais le message est le suivant « si vous faites comme le petit personnage tout va bien se passer ».

 

Pour un occidental, le Japon serait le summum de l’infantilisation. « ne faites pas ci, ne faites pas ça » ou le « please refrain from doing » en anglais (je rappelle qu’en français on préfère nous prier de faire quelque chose ou on nous dit merci déjà en espérant que l’on va faire la chose qui suit !).

 

La pensée n’est pas la même. Lors d’une rencontre avec un présentateur britannique exerçant depuis de nombreuses années au Japon, j’ai trouvé ses mots très justes : il expliquait que c’est comme si au Japon il y avait une attente des japonais à être « paternalisés » du moment que cela reste bienveillant.*

 

Ce que nous voyons comme un « conformiste aveuglé » ne porte pas la même signification au Japon qu’en Occident, où l’individualisme est roi. Le sujet de ce « conformisme » mérite un article à lui tout seul.

 

Un exemple parlant serait les voyages organisés. Ils sont très appréciés des japonais. Tout est déjà décidé et ils sont dirigés avec gentillesse tout le long de leur visite. Au Japon, on préfère avant tout se conformer aux règles du groupe et les suivre pour « le bien-être de tous ».

 

Forcée ou sincère : l’étiquette et la politesse

La politesse est un outil universel, propre à toutes les cultures, qui répond au désir mutuel de préserver nos rôles dans la société. Elle se traduit par des actes et des paroles. C’est ce que le sociologue Erving Goffman appelle la pragmatique interactionnelle3. On ne parle pas seulement pour décrire le monde, on parle aussi pour établir et maintenir des relations interpersonnelles.

 

Au Japon on marque son respect aux autres en s’inclinant, on acquiesce régulièrement pour dire « je vous écoute » (ce qui ne signifie pas forcément je suis d’accord).

 

Et puis il y a des formules de politesse que l’on rencontre tout au long de la journée. Ce serait l’équivalent de « bonne journée », « bonne après-midi », « bonne soirée » mais pour des moments bien précis.

 

En arrivant à l’hôtel après avoir passé plus de 3h d’inspection au sein de l’aéroport, le décalage horaire dans les pattes, nous avons eu une brève explication des quatorze jours de quarantaine qui nous attendaient. A la fin, lorsque nous nous levons pour rejoindre notre chambre une hôtesse m’adresse un « otsukaresama deshita ». Difficile à traduire, mais disons qu’elle me félicite pour être arrivée jusqu’ici et cela marque la fin de l’ « effort » que j’ai accompli. C’est une phrase banale dans la vie quotidienne mais le positionnement était très juste : nous étions exténués. Je dois être sans doute trop sensible mais cette expression réchauffe un peu le coeur.

 

Mais voilà est-ce une expression forcée ou est-elle sincère ?

 

Et bien sans doute un peu des deux.

Quand on nous apprend l’étiquette japonaise au travail, on explique qu’il y a la forme et le coeur, les mots et les émotions, l’expression du visage et la sincérité. En clair, on nous dit qu’il ne suffit pas d’être poli, il faut sincèrement penser ce que l’on dit et y mettre du coeur. La politesse ou l’étiquette est donc intimement liée aux émotions et au respect des autres.

 

Comme on le voit avec le ojigi, le fait de s’incliner, ce que nous appelons les courbettes, l’espace public serait une « chorégraphie altruiste » perpétuelle, pour citer un documentaire d’Arte très bien fait sur le sujet4. Le documentaire montre bien sur les mots de la fin le changement de paradigme. Pour nous, s’incliner c’est se dévaloriser par rapport aux autres alors qu’au Japon, faire attention aux autres est valorisé pour grandir socialement.

 

Je vous recommande d’ailleurs cette série de vidéos courtes (5min) sur le Japon nommé Gacha Gacha d’Arte.

 

Bonne découverte !

 

Sources :giphy

Sources :

1 Déchets chiffres clés, l’essentiel 2019, ADEME, Avril 2020

3 Goffman, E. (1967). Interactional Rituals, traduction en français Les Rites d’interaction. Paris:
Minuit, 1974.

4 Gacha Gacha -Suprises japonaises à emporter, Documentaire d’Arte, épisode 5 Ojigi, courbettes japonaises

 

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