Image : exemple de mo-mingu avec sa tasse de café, son toast et sa salade de fruit
Les mo-ningu (モーニング, de l’anglais morning) sont à coup sûr un de mes coups de coeur depuis que je suis arrivée au Japon. Ce sont des cafés où vous vous rendez pour prendre votre dose de caféine et votre petit déjeuner.
Jusque là rien de très innovant.
Il y a plusieurs théories sur l’origine des モーニング (si je m’en réfère à wikipedia 1)
Les mo-ningu seraient apparus vers les années 50-60 dans la préfecture d’Aichi ou encore dans la ville d’Hiroshima. Il y a également l’influence de l’immigration brésilienne au début du vingtième siècle et des cafés dits « café Paulista ». Mais là encore c’est une très longue histoire.
Aujourd’hui, je voudrais vous parler de ces espaces qui connaissent un regain de popularité depuis ces dernières années.
Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’articles à ce sujet, ce qui est bien dommage. Car à travers une simple tasse de café et des toasts, ils en disent beaucoup plus long sur la culture japonaise.
Rien ne sert de chercher « morning »… tu ne trouveras rien
Imade : devanture du Marufuku café un des cafés d’Osaka réputé pour ses mo-mimgu
En effet, il s’agit d’un conseil d’initié, si vous tapez le mot anglais « morning » par exemple sur glougueule et son acolyte glougueule map, vous n’allez pas avoir un résultat concluant. Par contre si vous utilisez le mot japonais モーニング, vous verrez, tout un monde souterrain qui s’offre à vous !
Bienvenue dans le monde des mo-ningu.
Les mo-ningu servent un petit déjeuner simple, très simple. Ce n’est pas un brunch. L’idée avec le mo-ningu c’est que vous allez pouvoir y aller tous les jours. Votre tasse de café est généralement accompagnée d’un toast que vous allez prendre sur le pouce avant de vous rendre au travail ou bien au contraire que vous allez faire durer pour discuter avec des habitués, ou lire tranquillement votre journal.
Le but n’est pas la quantité servie mais bien profiter de l’ambiance du café. Le plus typique d’un mo-ningu serait un café, un toast, un œuf et une petite salade.
La nourriture et la manière dont elle est servie en font la marque de la maison. Je me souviendrai toujours d’un toast aux amandes, la spécialité d’un morning d’Osaka par exemple.
Le mo-ningu est l’utilisation de l’espace : une recherche de proximité
Généralement ces cafés sont étroits ce qui invite à la proximité. Outre les quelques tables habituelles format deux ou quatres personnes, vous trouverez un large comptoir pour vous attabler et discuter avec le proprio et les autres habitués. Le but est de favoriser l’échange et de se retrouver autour d’une habitude commune.
Le responsable du café va donc adresser la parole à ses clients, et s’il les connaît bien, prendre des nouvelles de leur famille et faire le lien pourquoi pas avec ses autres clients. Les échanges sont chaleureux mais restent polis, ce n’est pas un pub non plus !
Par exemple à Toba, une pièce d’une maison de famille peut être reconvertie en café. Il suffit d’un petit espace, un comptoir, du moment que la cuisine n’est pas très loin, vous pouvez tenir un mo-ningu dans cette pièce.
On peut difficilement faire plus local.
L’ambiance rétro
Chaque café a son ambiance, mais il y a quelques points communs dans la déco qui nous plongent dans un univers un peu rétro.
Le revêtement des sièges et leurs accoudoirs, le bois, les tapisseries, l’ambiance se veut feutrée. Résultat : on a envie d’y prendre son temps.
Je trouve juste les mots de Merry White(2), professeur anthropologue à l’université de Boston,
quand elle dit que l’ambiance de certains cafés au Japon est comme une mise en scène. Une fois que vous entrez dans le café vous devenez cet acteur, cette personne visible au yeux de tous et pourtant accessible, à mi-chemin entre votre chez-soi et votre image professionnelle.
Je vous laisse juger.
L’obsession pour le café
Ici une tasse de café devient un nectar des plus précieux à extraire et les Japonais, c’est le moins que l’on puisse dire, maîtrisent le sujet. Ils sont des « experts » du café filtre où l’on verse de l’eau frémissante lentement sur des grains fraîchement moulu, une technique à l’opposé de notre expresso !
Et puis il y a aussi l’emblématique siphon. Quand on regarde le zinc, on a l’impression d’être en face du laboratoire d’un alchimiste. Le siphon est une cafetière à dépression.
Le café en soi au Japon est un univers un peu à part. Le pays est un grand consommateur de café, mais la culture de consommation n’est pas la même. De façon générale, le café est toujours assimilé à un produit de luxe venu d’occident, il sera contemplé et dégusté.
Par exemple, si on boit du café avec d’autres personnes, il va être accompagné de quelque chose de sucré. La « pause café » de quelques minutes n’a pas encore lieu au Japon (j’y travaille).
Si le café est apparu en Europe aux alentours de 1600, il faudra attendre les années 1900 pour le Japon. Les Japonais ont fini par créer leur propre méthode de fabrication et de consommation. Ils sont aujourd’hui reconnus dans le domaine et cela peut expliquer pourquoi des coffee shops japonais fleurissent aujourd’hui dans les quartiers huppés de Paris.
Les mo-ningu sont une bonne invitation dans la culture japonaise, entre l’espace privé des japonais et leur vie publique. Le fait qu’ils soient de plus en plus populaires ces dernières années montre bien qu’ils répondent à un besoin de la société. Alors autant en profiter jusqu’à la dernière goutte !
Sources :
Pauliwen à Mie
- Des distributeurs basés sur la confiance : mujinhanbaijo
- Vie privée et vie professionnelle au Japon
- Faire tomber les masques au Japon
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